Extraits d'une société confidentielle

Exposition
Arts plastiques
Frac Sud Marseille

Extraits d'une société confidentielle, Tatiana Trouvé, collection Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur, copyright Frac PACA

Depuis 1997, Tatiana Trouvé produit un ensemble évolutif intitulé le Bureau d’Activités Implicites. Celui-ci est composé aujourd’hui d’une douzaine de modules qui forment une sorte d’entreprise imaginaire et mentale dont l’objectif est de matérialiser par des « signes » formels l’ensemble de la vie et des réflexions de l’artiste. Le BAI fonctionne également comme une matrice d’où sont extraits plusieurs « transformateurs ». On en découvre ainsi trois types dont les Polders, qui ont pour but d’occuper l’espace afin de le parasiter tel un organisme vivant. Conçus en forme de maquettes de lieux in situ, ils manifestent la possibilité de réaliser un projet en utilisant les changements d'échelle opérés par la mémoire. Ces préoccupations sont traitées ici comme l’amorce d’une fiction.

Complément d'information

Extraits d'une société confidentielle

Tatiana Trouvé
Extraits d'une société confidentielle

au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur
exposition du 29 janvier au 2 avril 2005 / vernissage le 29 janvier 2005 à 18h


> Rencontre avec l'artiste le vendredi 28 janvier 2005 à 17h

> Rencontre enseignants le mercredi 2 février 2005 à 15h
En présence de France Paringaux, chargée de la diffusion et du service des publics
et de Véronique Decaestecker, enseignante d'arts plastiques chargée de mission


Depuis 1997, Tatiana Trouvé produit un ensemble évolutif intitulé le Bureau d’Activités Implicites. Celui-ci est composé aujourd’hui d’une douzaine de modules qui s’articulent les uns avec les autres. Chaque module correspond dans son identité ou sa désignation à une partie des activités de l’artiste : ses déplacements, ses recherches, ses échecs, ses attentes ou aspirations. L’ensemble forme ainsi une sorte d’entreprise imaginaire et mentale dont l’objectif est au bout du compte de matérialiser par des « signes » formels l’ensemble de la vie et des réflexions de l’artiste, et notamment les processus de désir et de formation de ses « projets » - un laboratoire permanent où l’activité est en somme toujours à venir, non réalisée. C’est en cela que ce « bureau » peut être qualifié « d’implicite ». Deux de ces modules appartiennent à la collection du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le Module Administratif intègre par exemple les documents qui régulent la vie administrative et sociale de l’artiste : conditions de production, demandes de bourse ou d’ateliers, mais aussi inscriptions au sein d’un système public ou de marché (recherches d’emploi, lettres de motivation ou curriculum vitae).
Plus qu’un simple meuble d’archivage comme nous en possédons tous dans nos bureaux, ce module met au contraire en exergue la dimension toute kafkaïenne de ce type de démarche, notamment à travers des modes de rangement complexes et codifiés, des ellipses formelles ou des éléments enfouis secrètement sous des matériaux précis. La vie « administrative » de l’artiste évoluant bien sûr chaque jour, ce Module se modifie à chacune de ses expositions, intégrant peu à peu de nouveaux documents dans une sorte de construction infinie visant à symboliser notre temps passé à ces tâches ingrates. Le Module à Réminiscences pourrait être qualifié de « module de tous les modules » ou encore de « bureau du bureau ». C’est un objet central , circulaire, faussement clos, dont l’épaisseur est obtenue par un ensemble de strates où s’additionnent les matériaux utilisés par les autres modules du BAI : mousse, sable, feutrine, bois plastique, etc. À l’intérieur de cet espace : un tabouret et une étagère qui suit la paroi sphérique dans sa partie basse, comme un plan de travail. Quelques blocs de post-it y sont disposés. L’artiste y note des réminiscences, les met sous enveloppe, puis les dissimule dans les strates de matériaux qui forment le corps de la structure. Ces réminiscences concernent donc la « genèse » de la vie et du travail de l’artiste qui est ainsi mise « sous scellé » dans la matière même du BAI. C’est pour cette raison que la couche extérieure du module (sa première strate en fait) est recouverte d’un miroir qui absorbe et reflète simultanément les mouvements des autres modules du BAI. « La mémoire de ma vie, celle de mon travail sont ainsi sans cesse captées par ce dispositif », écrit-elle.
D'autres modules constituent aussi le « corps » du BAI : Grève par exemple, composé de cinq maillons ou parcelles, habilité à des interventions distinctes dont la logique est de contrecarrer le caractère implicite de l’ensemble du travail. Ou encore le Module d’Attente (certainement l’un des plus significatifs), qui a pour objectif l’exploitation du temps perdu. « De ce temps aussi peu productif qu’expressif, aussi intéressant que facile à ignorer et qui compose la moitié discrète de mon existence, je conserverai les décors et une musique choisie pour son immobilité, son homogénéité, son manque de surprise. De ces espaces extérieurs et intérieurs qui ne portent aucune date particulière, je garderai un sentiment, une coloration globale de mon environnement architectural et sonore. »
Le BAI fonctionne également comme une matrice d’où sont extraits plusieurs « objets métaphores », des « transformateurs », selon la célèbre expression de Jean-François Lyotard. On en découvre ainsi trois types :
- les Fantômes qui sont des sacs réalisés en scotch transparent, et dont les dessins, gravés à l’aide d’un poinçon représentent les projets stockés dans le Module des Archives. Bagages sans affaires bien plus qu’objets, les Fantômes sont des supports de représentation des illusions qui accompagnent tout le principe du travail.
- Ou encore les Lapsus qui se présentent comme des petites annonces de particulier à particulier que l’on peut trouver chez le boulanger, dans la presse écrite, des graffitis ou affichettes urbaines, mais qui ont la particularité de se refermer sur elles-mêmes en fin de phrase afin d’y inclure les limites et les impossibilités que la demande présuppose.
- Ou enfin les Polders, qui, comme les fameuses avancées de terre des Pays-Bas, ont pour but d’occuper l’espace afin de le parasiter tel un organisme vivant. Conçus en forme de maquettes de lieux in situ, ils manifestent donc la possibilité de réaliser un projet en utilisant les changements involontaires opérés par la mémoire (qui sont aussi des changements d’échelle).
Ainsi, on comprend peu à peu qu’au-delà d’une réflexion sur les processus de travail et de production, le BAI se veut avant tout le lieu de production de pensée, un espace qui essaie d’enfermer et de produire du temps. Plus qu’un bureau, on pourrait presque parler d’un atelier psychosensoriel, un « no man’s land » en mutation permanente où les choses se forment et se déforment dans la plus grande intimité. Les modules du BAI ne sont pas « pénétrables » comme le sont la plupart des installations contemporaines ; ils restent des objets potentiels dont l’incomplétude et l’indétermination renvoient souvent à des mémoires suspendues.

L’exposition que Tatiana Trouvé présente au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur rejoint toutes les préoccupations évoquées ici, mais traitées cette fois-ci comme l’amorce d’une fiction. « L’oeuvre que je vais vous «raconter» est celle que j’aimerais réaliser pour l’exposition au Frac. Mais tout d’abord, je dois préciser que certains des sons, des voix, des ambiances sonores ainsi que la référence aux espaces d’une ville sont des matériaux nécessaires à sa réalisation. Cette méthode qui consiste à archiver des sons de lieux pour ensuite les retravailler et en faire les éléments d’une partition est celle que j’ai expérimentée lors de travaux précédents : ce procédé est, entre autres, à l’oeuvre dans les bandes son qui alimentent les différents Modules d’Attente du Bureau d’Activités Implicites. J’ai, par exemple, passé un long séjour à New York, il y a longtemps maintenant, alors que je ne comprenais pas l’anglais. J’y ai vécu une expérience purement sonore. C’est lors de mes séjours récents dans la ville que j’ai découvert tout à fait différemment cette dernière. J’aimerais mettre en perspective ces expériences où se dessinent différents types de perceptions d’un même espace dans cette oeuvre, même si les références à cette anecdote biographique n’y seront pas explicitement apparentes. Il s’agit cependant d’un travail qui s’inscrit dans une série s’attachant à explorer des formes d’architecture - physiques, psychiques, mentales -, en relation avec l’espace des villes.»








Fonds régional d'art contemporain Provence-Alpes-Côte d'Azur 1, place Francis Chirat 13002 Marseille
tél.: 04 91 91 27 55 / fax: 04 91 90 28 50 / courriel: info@fracpaca.org / contact : France Paringaux

ouvert du lundi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h
entrée libre pour tout public / accueils de groupes sur rendez-vous

Autres artistes présentés

Tatiana Touvé

Horaires

Ouvert du lundi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Frac Sud 20 boulevard de Dunkerque 13002 Marseille France

Comment s'y rendre

Métro : ligne 2, arrêt Joliette
Tramway : lignes 2 et 3, arrêt Joliette
Bus : lignes 35, 55 et 82, arrêt Joliette ; ligne 49, arrêt Frac
Accès : autoroute A55. Parkings : Espercieux et Arvieux – Les Terrasses du port

Dernière mise à jour le 2 mars 2020