Farida Le Suavé & Jeremy Stigter

Chère chair
Exposition
Arts plastiques
Galerie Maria Lund Paris 03

 

 

La chair fait lien. Lien entre les différentes parties d’un corps. Lien entre les êtres. Nous sommes, car en chair : chair tendre, chair molle, tendue, débordante, fraîche, défraîchie, vibrante, palpitante. La chair est au-delà du battement du cœur.

Sources de passion, d’obsession, de fascination, de terreur - la quantité, les formes et les propriétés de la chair nous préoccupent. Première topographie, elle est éveil, titillant notre curiosité, nos sens, nos envies de pérégrinations, servant nos besoins de communication, de communion et de transcendance. Parfois la chair n’est que douleur… Il arrive aussi qu’elle nous répugne. Chère chair scrute cette matière qui fait de nous ce que nous sommes.

 

Les volumes de Farida Le Suavé sont ambigus et dynamiques : chairs désireuses, langoureuses, ou renfermées sur elles-mêmes, fuyantes… Quant aux photographies de Jeremy Stigter, elles prennent leurs distances avec la chair malgré un objectif placé au plus près du corps, si elles ne la montrent avec une certaine dérision. Formes lumineuses, obscurités profondes, ombres délicieuses voire suggestives… L’œil est perturbé, il y cherche ses repères.

 

Les sculptures de Farida Le Suavé respirent. Leur couleur peau au toucher satiné déclenche inévitablement des associations au corps, à l’organique et parfois au pot - le corps comme contenant avec ses orifices. Des strates de chair - de terre - se superposent depuis leur base comme l’embryon se démultiplie à partir de son quasi-rien. Les formes ainsi créées sont généreuses, tendues, ridées - portées par un souffle ou au contraires essoufflées, sur le point de ne plus tenir… Ces oeuvres mettent en avant la chair comme territoire de l’être, comme identité malgré nous. Elles sont humaines en ce qu’elles incarnent la contradiction, de la caresse à la destruction, de la chair - terrain de jeu et de réconfort - à la chair abandonnée, désespérée de n’être plus que chair.

En quête d’autres chairs (Enlacé, 2019) ou véhicule déclencheur de liens impénétrables entre micro- et macrocosme (Coup de foudre, 2019) la chair des œuvres de Farida Le Suavé exprime aussi avec force le registre si complexe du désir, comme dans Deux pots (2005) – paraphrase de Daphné et Apollon du Bernin.

Fragments, bribes, recoins… Jeremy Stigter a plié, déplié et survolé le corps féminin. En observateur quelque peu taquin, il déjoue l’attente, la tentation de se livrer à ce qui serait si évident devant un corps qui respire la sensualité. Il est allé en explorateur, pour offrir des visions à la lisière de l’abstraction où la lumière est sujet, autant que l’anatomie. Il y a la forme, la chair vive qui éclaire, reflète et se fait un instant sa place dans l’anonymat de l’obscurité. Cet ensemble de tirages argentiques au titre prosaïque Quelques nus, oblige à regarder pour mieux voir ou mieux se perdre.

La série Cafouillages, quant à elle, est frontale, directe. Le photographe s’est glissé avec un éclairage banal devant le corps d’un homme nu identique au sien : poses, jeux, théâtralité et détente. Un homme regarde un homme, joue avec, à moins que ce ne soit l’inverse… L’objectif saisit des surfaces de tout près ; il se focalise sur un fragment - une hanche, encore une hanche - ou invite un visage en superposition. Trash, raffinement, découverte, confirmation. Peut-on se regarder tout en chair ?

 

p a r c o u r s

 

 

Farida Le Suavé (née à Paris en 1969) porte une vocation artistique dès son plus jeune âge où le dessin est une pratique permanente qui lui est restée. Sa formation initiale dans le domaine du textile – un BTS Vêtement, mesure et création - la conduit à un travail de « petite main » dans une maison de haute couture parisienne. Le désir de pouvoir consacrer du temps à une recherche artistique personnelle l’amène à d’autres métiers jusqu’au moment où elle trouve la possibilité d’entamer des études d’arts plastiques au sein de l’Ecole des Beaux-arts d’Angers. Elle en est diplômée en 2005. Au début, la peinture est sa discipline de choix, mais une expérience dans l’atelier de céramique Soleil d’ombre et la découverte de la terre rose de St. Amand en Puisaye seront un déclic. Elle choisit la sculpture comme mode d’expression.

Depuis, elle participe à un grand nombre d’expositions en France - Céramique Fiction (Musée des Beaux Arts - Rouen, 2006)  L’Art dans les Chapelles (Pays de Pontivy/Saint Nicolas des Eaux, 2009), Circuit céramique aux Arts Décoratifs (Musée des Arts Décoratifs - Paris, 2011), Le beau est toujours bizarre (FRAC Haute Normandie - Sotteville-les-Rouen, 2011) et WANI (Fondation Entreprise Ricard Art contemporain - Paris, 2011). Une exposition lui est dédiée à l’Espace Grandjean de Vallauris en 2010 et la Galerie NextLevel présente son exposition personnelle O en 2015. Deux ans plus tard la Chapelle des Calvairiennes en Mayenne – splendide écrin baroque désormais lieu d’art contemporain - accueille son exposition La part des anges – un résumé d’environ cinq ans de travail comprenant les sculptures créées à Chicago où elle a séjourné pendant trois ans.

L’œuvre de Farida Le Suavé est entrée dans les collections publiques du FRAC Basse Normandie, du FRAC Haute Normandie, des Artothèques d’Angers et de Caen, du Collège Charles Léandres (La Férrière-aux étangs), et du CHU Angers. Elle a fait l’objet de nombreux articles de fond et publications.

Sa collaboration avec la Galerie Maria Lund est récente. La galerie avait présenté une de ses œuvres en 2013 dans Terres – Copenhagen Ceramics invites (exposition dans le cadre de la manifestation Nouvelles vagues - Palais de Tokyo).


Jeremy Stigter (né en 1958 à La Haye, Pays-Bas) a développé un univers photographique où le documentaire sociétal côtoie la narration, le psychologique. Diplômé d’Histoire et de Sciences politiques (London School of Economics et Collège d’Europe, Bruges, 1983) il part à New York où il suit un temps des cours de théâtre (Sandy Meisner). Sa rencontre avec le monde de la mode l’amène à voyager - notamment à séjourner longuement au Japon – et il découvre la photographie en tant que sujet. La rencontre 1986 avec son compatriote le photographe Ed van der Elsken s’avère décisive pour son parcours désormais focalisé sur l’exploration photographique. Il pratique librement différentes formes – photo documentaire, reportages pour la presse française et internationale, livres, romans photo, photos/performances, portraits – souvent de manière sérielle. Dès 1992, Jeremy Stigter expose régulièrement (Tokyo, Paris, Rome, Amsterdam). Son attachement particulier au Japon se reflète dans ses photos du pays « vécu de l’intérieur » où son immersion se traduit par une observation aigue d’un quotidien souvent banal. Ces images attirent une attention particulière et seront exposées notamment à Rome à La Galleria Nazionale d’Arte Moderna, (Hito Bito - Gens Ordinaires - 2005).

En 2007, les éditions Nazraeli Press publient son premier livre The Jewish Bride– a photoplay  - le récit d’une rencontre amoureuse sous forme d’un « documentaire joué ».  

Vivre paru aux éditions Le Seuil (2012) constitue un portrait original et poignant d’un service d’oncologie au sein d’un hôpital de jour, tout en témoignant de la réalité de la maladie telle qu’elle est vécue par les malades, mais aussi par leurs proches et leurs thérapeutes. 

Actuellement Jeremy Stigter développe plusieurs projets d’édition : Una Noche en Oaxaca, le récit d’une nuit passée dans un bar à Oaxaca (Mexique), une trilogie sur Le Front National (Parties de Campagne), ainsi qu’un livre sur le Japon.

Horaires

mar-sam : 12h - 19h

Adresse

Galerie Maria Lund 48 rue de Turenne 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

M°1 - St Paul 
 

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022