Nathan Hylden

Exposition
Arts plastiques
Galerie Art : Concept Paris 03

Le motif de l’atelier était déjà apparu à l’arrière-plan du tableau dans la précédente exposition de Nathan Hylden à la galerie Art : Concept, More Over (2014). Cela après avoir traversé toute la peinture moderne, où il fut le meilleur gage de la supériorité de l’activité créatrice par la représentation de ses réalités triviales. Première figure tautologique, peut-être, dans la rhétorique de l’art, l’atelier comme sujet aura été le lieu d’invocation du mythe de l’artiste autant que celui de sa déconstruction, quand le jeune Bruce Nauman, par exemple, y répète devant la caméra à partir de 1966 et en préambule de son art, des actions improductives et un peu idiotes. 

Ces boulettes de papier froissées photographiées sur le sol de l’atelier qui se répètent dans les nouvelles peintures de l’artiste californien sont de purs prétextes à des expérimentations formelles mettant à profit des jeux de lumière et d’ombres portées, de dédoublement, de vides et de pleins, des effets de peinture et de halo, un exercice de sublimation auquel se prête le mieux, depuis Vermeer, un objet de rebus. Mais on ne pourra faire fi du caractère métonymique de la boulette et de son lien de parenté avec les figures de l’oisiveté et du désœuvrement qui ont remplacé à l’ère postmoderne celle de l’artiste inspiré dans son atelier. Aussi, il est tentant d’établir un lien narratif entre les boulettes de papier qui jonchent le sol et l’image répétée de l’écolier abattu d’ennui dans la série de tableaux présentée lors de la première exposition de l’artiste à la galerie, sous le titre Just Something Else (2007). 

Venons en au fait : il est bien question ici de peinture et de lassitude, dont l’aveu, s’il veut passer pour une coquetterie, fait « tenir » la peinture – pour employer un langage désuet. Il tient en halène un travail arrimé au paradigme de l’éternel retour, fondé sur la répétition de gestes et de protocoles stricts empruntés à différentes traditions : impression, coup de brosse, peinture aérosol appliquée au pochoir, support ready-made. Ces étapes de fabrication très précises sont souvent décrites dans l’approche critique du travail de Nathan Hylden comme autant  de moyens de continuer à défaire les présupposés de la peinture, en faisant. C’est ce qu’affirme le titre So Doing qui paraît écorcher la formule In so doing (ce faisant) et lui soustraire sa dimension intentionnelle pour feindre, encore, de renvoyer à une activité inconséquente. N’est-ce pas le propre d’une peinture sérieuse que d’ironiser sur le fait même de continuer la peinture ?

L’agencement complexe des étapes du faire dans les peintures de Nathan Hylden fait tenir ensemble des principes opposés : le geste unique et la reproduction mécanique, le retrait de l’auteur et la persistance du mystère de la création (tenu secret dans un papier froissé et un geste pictural gelé), l’économie de moyens et la sophistication du résultat ou encore l’objectivité du process et la production d’un objet profondément mélancolique qui se définit presque toujours par ce qu’il reste à la fin, alors que tout s’annule. Car voilà une belle peinture sur rien qui contient tout, comme on l’a dit des Shadows (1978) d’Andy Warhol (ou la répétition mécanique d’une ombre). Ici le sujet n’est autre que son idée rejetée et l’intention effacée de la peinture. Quoiqu’en ait été l’ambition (aucune peut-être), ce qui apparait n’est pas la trace du geste mais celle de son annulation, en somme l’attestation qu’une oeuvre n’aura pas lieu. Alors cette absence redondante, ou la répétition de l’instant différé, qui se signale dans des contours délicats et des surfaces aux textures sensuelle donne lieu à une étrange présence de l’oeuvre.

Artistes

Horaires

Mardi - Samedi 11h - 19h

Adresse

Galerie Art : Concept 4, passage Sainte-Avoye 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Entrée par la grille 8, rue Rambuteau
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022