PIERRE ALECHINSKY

Les dessins de Pierre Alechinsky dévoilent d'étranges paysages et invitent à d'insolites rencontres. Ils sont parsemés de motifs, de sujets et d'événements qui naissent du dialogue instauré entre la fluidité de l'encre, l'assurance du geste et les multiples prolongements suscités par l'histoire de papiers usagés, écartés d'un quotidien révolu. Spontanéité et disponibilité de l'artiste ont été conquises dans l'apprentissage de la manière chinoise de peindre et de dessiner (dès 1954 auprès de Walasse Ting - peintre Chinois : "le papier posé au sol, l'encrier à la main"), grâce aussi à une participation active au groupe Cobra jusqu'en 1951. Qu'il s'agisse de papiers désuets (factures, lettres...) ou de l'empreinte d'un banc circulaire, Pierre Alechinsky renouvelle la valeur usuelle d'origine de tout "document". Celle-ci exerce une tension "physique et psychique", participe à l'apparition de signes, de figures, se veut filigrane de l'œuvre, en écrit aussi les prémisses du titre. Aux côtés d'une dizaine de feuilles peuplées d'animaux et de personnages, "Cerclitude" s'impose par l'emprise de sa concentricité et la puissance de sa frontalité. Tous les espaces de cet environnement restreint, les frondaisons d'un arbre et le banc qui en enserre le tronc, sont mis à plat dans la compression de ce qui les tient habituellement à distance. Dans ce all over végétal, le réel est amputé de son épaisseur pour disparaître en un point déterminé : l'œil du banc. Ce vide central désigne l'enracinement de l'arbre ainsi que le point de passage entre les dimensions aériennes et souterraines de la nature, peut-être celui emprunté par Alice pour s'aventurer aux Pays des Merveilles.