Pierre Mazingarbe Moteur Demandé
«Moteur demandé !» C’est par ces mots que le réalisateur ordonne sur
son plateau silence et concentration avant chaque prise. En reprenant
cette annonce éculée pour baptiser sa première exposition, Pierre
Mazingarbe plonge directement le visiteur dans son univers.
Comment, avec le dessin, reprendre les rênes du cinéma, ce cirque, cet
art sans brouillon ?
Car c’est de ses fantasmes liés au monde du cinéma et de leur réalisation
qu’il est ici question.
Avant tout pratiquant de la mine et du feutre, Pierre Mazingarbe a
ainsi fait du dessin le creuset de son cinéma. Des dessins denses et
fantastiques, foisonnant des références éparses qui ont nourri sa première
jeunesse (Dürer, Bellmer, Fellini, Piranese, Wes Andersen et l’iconographie
médicale). Et où l’on retrouve les questions qui le passionnent : le désir, le
féminisme, la truculence et la crudité du langage.
A travers une sélection d’oeuvres inédites, la Galerie Dix9 donne carte
blanche à Pierre Mazingarbe pour présenter son rapport au Cinéma et à
ses acteurs, à ses mécaniques et à ses hors-champs.
Parmi elles, une série de neuf gravures intitulée L’Acteur, qui représente sa
fascination pour ces hommes et ces femmes, capables de muer comme
des caméléons au gré des désidératas du réalisateur.
Une série de dessins au format raisin (65x50cm) a été patiemment
exécutée pour l’exposition avec des feutres microscopiques - que l’artiste
a usés au rythme effréné d’un stylo par jour ! Résultat : chaque canevas
requiert un regard patient et curieux.
Car au-delà d’une densité sombre et de personnages de premier plan
(souvent un réalisateur vêtu d’une peau de lion, une actrice ou un
technicien…), on découvre une myriade de détails enfouis dans cette
forêt de traits : des visages diaboliques, une sorte de chimère ailée, un
ange… tout un bestiaire délirant dont la richesse illustre l’imaginaire
bigarré de son auteur.
De plus petit format, la série Cinémas met en scène une salle de cinéma,
tantôt orientée face à l’écran, avec un réalisateur solitaire qui visionne
des rushs. Tantôt orientée face au public, au milieu duquel se sont glissés
quelques grands noms du genre : Fellini, Fritz Lang et d’autres.
En inféodant de la sorte le cinéma au dessin, Pierre Mazingarbe fait un
pied de nez au ridicule de son faste, et dévoile la solitude de sa fabrication,
dans l’antre de ses stylos.
Il met également à jour les liens méconnus qu’entretiennent premier et
septième art. Un septième art qu’il qualifie lui-même d’ « art total » car
il lui offre les moyens de donner vie aux mondes qu’il imagine seul sur
papier.
C’est en parallèle de ses études d’animation que Pierre Mazingarbe se
lance dans la réalisation de films. Son dernier court-métrage, Ce qui me
fait prendre le train, trône au coeur de l’exposition comme une évidente
conséquence de toutes ses inspirations et réflexions. Empreint d’un
imaginaire onirique, il revisite le mythe d’Orphée- ou comment Orphée,
devenu jeune femme, pénètre le monde des morts dans l’espoir de
ramener à la vie un couple d’amis chers en lieu et place d’Eurydice.
Pour parfaire ce parcours, la Galerie Dix9 exposera enfin une sélection
d’objets et d’animaux fantasques, tout droit sortis de l’imaginaire de
l’artiste qui les a créés spécialement pour le film. Véritables acteurs ou
pièces de la mise en scène, ils seront présentés pour la première fois en
tant qu’oeuvres en soi.