Pierre Petit, Au fond du couloir

Exposition
Arts plastiques
sobering Paris 03

Pierre Petit, Au fond du couloir

Pierre Petit

Au fond du couloir

10 septembre – 17 octobre 2015

Vernissage le 10 septembre 2015, de 18h à 21h

 

Au fond du couloir sonne comme une invitation à la découverte.

Composées d’objets divers, les œuvres exposées tissent un réseau qui sollicite l’imaginaire et évoquent différents degrés de perceptions. Pour les atteindre, l’artiste façonne un espace poétique, tapissé d’images.

Que ce soit dans ses écrits1 ou dans la formulation des titres de ses œuvres, les mots utilisés jouent de la polysémie du vocable et sont autant d’indices qui composent un nouvel environnement à l’objet.

Dans son ouvrage L'art comme communication: Pour une re-définition de l'art, Jean-Paul Doguet souligne l’importance du titre dans le processus créatif. « L’artiste donne un nom à l’objet exposé, ce qui est décisif, et correspond probablement à ce que Duchamp lui-même appelait « nominalisme ». L’assignation d’un titre peut viser à diriger le regard du spectateur en provoquant chez lui une sorte de perception suggérée, c’est-à-dire au fond de projection. »2

Son inclination pour le mot et la précision que son choix sous-tend parcourent en filigrane le travail de Pierre Petit et produisent un effet sur la perception du spectateur. Son nominalisme emprunte subtilement à la poésie ; il parle à l’imaginaire autant qu’à la sensibilité et suggère des impressions autant que des émotions. Parfois, il s’en affranchit et laisse voguer ses intuitions. Alors le monde rationnel s’éloigne et point un autre univers bousculé par « ses facéties, ses jeux, ses télescopages, ses associations gorgées d’humour qui dégonflent toute emphase et font perdre prise à toute censure ou prétention de savoir ou de pouvoir. »3

Plus qu’une influence, le mot exerce un effet, et interroge le statut de l’objet. Jean-Paul Doguet décrit ce mécanisme comme la modification de l’état d’esprit du spectateur dans ce qu’il perçoit. L’effet peut être qualifié d’intellectuel ou de réflexif, parce « qu’il prend la forme d’un étonnement portant sur la relation art-monde en général. De manière inaccoutumée, voilà un objet qui ne cherche pas à extraire de l’expérience quotidienne du monde des objets et au contraire assume son statut de pure chose. »4

Pierre Petit assemble des objets issus de la production industrielle, diffusés partout et acceptés par tous. Cependant, ses œuvres dépassent la stricte dimension illustrative ou mimétique quant à l’économie des objets manufacturés. En effet, l’artiste « décortique à sa manière [leur système] : issus du monde industriel, ils deviennent des relais de mise en question des réseaux de production, de circulation des biens et des services, de mondialisation des échanges, des flux. »5  

L’objet produit industriellement soulève la question de sa pérennité puisqu’il est soumis à la loi du marché et donc aux modes de consommation. Ainsi, à l’ère de la mondialisation et de la globalisation, ces objets, pris dans la mécanique du renouvellement, courent à leur propre destruction.

Pierre Petit s’intéresse à l’objet comme identifiant de proximité, en ce sens qu’il est à la croisée des sphères économiques et géographiques, et qu’il révèle maintes données quant aux acteurs qui gravitent autour de sa production. S’inscrivant dans une démarche d’individualisation, l’artiste tend « à restituer à l’objet une identité qui place l’individu au centre du dispositif »6  et à se rapprocher d’une échelle humaine qui « renvoie à notre positionnement dans ce monde. »7 Le statut de l’objet ne prime pas sur le dialogue entre les objets. Au contraire, par un procédé d’accumulation, les objets véhiculent des récits qui se croisent, se nourrissent, se densifient. 

« Pierre Petit [en] est le conteur : inventant des histoires, détournant des signes qui appartiennent à la mémoire collective, les utilisant pour repenser, fouiller l’Histoire, l’Histoire des hommes, l’Histoire de l’art. »8 L’appropriation de l’objet dans son œuvre prend les traits du détournement ou de la détermination d’un sens nouveau. « Ce faisant il permet à chacun une réappropriation consciente et dynamique du réel d’autant plus percutante que son application est réputée banale et sans valeur. »9

La multiplicité des allusions encourage la liberté des associations et décongestionne la question du sens. En amassant des objets, l’artiste affirme son émancipation quant à la vocation initiale de l’objet et annule sa fonctionnalité première. En outre, il atteste, à travers l’accumulation d’objets identiques que « la différence existe [puisque] l’objet ne change pas, mais la vision donne l’espace poétique. »10

Cette réflexion est poussée à son paroxysme par les éditions et les performances estampillées Petitland, ouvroir aux imaginaires individuels. Le détenteur de l’objet Petitland détermine le statut de son objet, soit en inventant un moyen de détournement personnel, dans le cas de l’objet parcours, soit en suivant une procédure établie par le certificat, dans le cas de l’objet multiple. « Dans le sillage de Marcel Broodthaers, qui s’inventait directeur d’un musée, en interrogeant les instances et déjouait les rouages d’un système, Petitland pose la question des objets et de leur circulation. »11

 

Distillant des charges poétiques, Pierre Petit conçoit l’objet dans « la détermination de l’espace critique » 12 qu’il suscite par sa dimension subversive. La circulation de l’objet fait écho à celle des idées. 

 

1.  PETIT, Pierre, Ecritures d’artiste, Editions Pire Fiction, 2010
PETIT, Pierre, Eléphantaisie, Editions Petitland, ouvrage réalisé à l’occasion de l’exposition Identifiant de Proximité à l’Ecole Municipale des Beaux-Arts de Châteauroux, 2007
PETIT, Pierre, A jeudi, Editions Petitland, ouvrage édité par le Musée de l’Objet de Blois
Tout pour rien, préface de Catherine Kempeneers, textes de Pierre Petit, Centre de Développement culturel, Galerie de l’Ancienne Poste – Calais
2.  DOGUET, Jean-Paul, L'art comme communication: Pour une re-définition de l'art, Armand Colin, 2007, 266 pages
3.  Catalogue de la Biennale d’art contemporain de Bourges 2012, Texte consacré au travail Brume d’un matin de Pierre Petit, Prieuré Saint-Martin, 88 pages.
4.  DOGUET, Jean-Paul, L'art comme communication: Pour une re-définition de l'art, Armand Colin, 2007, 266 pages
5.  Catalogue, Pipeline, Pierre Petit, Editions MAC/VAL Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, ouvrage réalisé dans le cadre de l’exposition « Zones de Productivités Concertées », 2006-2007
Entretien avec Pierre Petit par Frank Lamy et Julien Blanpied
6.  Idem
7.  Idem
8.  Brochure, Dreamland, Pierre Petit, Kent Institute of Art & Design at Caterbury. Texte de Leonor Nuridsany, 1999
9.  Catalogue, Le rêve éveillé, Pierre Petit, Ecole Régionale Supérieure d’Expression Plastique de Tourcoing, 1994. Texte d’Ami Barak
10. Catalogue, Pierre Petit, Le Quartier, Centre d’art contemporain, 1997-1998. Texte de Marc Dachy
11.  Catalogue, Pipeline, Pierre Petit, Editions MAC/VAL Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, ouvrage réalisé dans le cadre de l’exposition « Zones de Productivités Concertées », 2006-2007
Texte de Muriel Ryngaert.
12.  Catalogue, Pipeline, Pierre Petit, Editions MAC/VAL Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, ouvrage réalisé dans le cadre de l’exposition « Zones de Productivités Concertées », 2006-2007
Entretien avec Pierre Petit par Frank Lamy et Julien Blanpied
 

Horaires

du mardi au vendredi de 10h à 19h le samedi de 11h à 19h

Adresse

sobering 87 rue de Turenne 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Métro: Saint-Sébastien-Froissart
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022