Self-portraits
Pour sa deuxième exposition personnelle à la Galerie Dix9, Yuan Yanwu propose un nouveau travail qui surprend chez celle qui nous avait présenté d’exquises et paisibles images d’elle-même enfant. Certes Yanwu y prolonge un même questionnement de l’identité, mais cette fois, en s’y livrant à vif et presqu’avec impudeur. Comme si ce qu’elle avait affronté avait aussi bouleversé sa manière de créer.
« L’aquarelle s’est imposée à moi », dit-elle. L’eau et le papier, une tradition picturale de la Chine mais qu’elle ne pratiquait pas. « Avec des photos j’aurais arrêté des instants, avec l’aquarelle j’ai cherché à restituer l’expérience de mouvements, d’altérations, de transitions ».
Ce qui lui importait également c’est que le travail soit fait à la main, comme pour les retouches infinies de sa précédente série. « Pour traduire le temps, j’ai besoin d’un travail qui dure ».
Et c’est bien le Temps qui ordonne cette nouvelle série-journal intime avec une particulière cruauté, s’incarnant dans des autoportraits au teint plombé, des visages marqués de rides, usés, défaits, doubles envoûtés, empreintes hallucinées. La tête d’enfant s’est fissurée. La porcelaine s’est brisée. Cette « catastrophe », au sens de Deleuze, et sa traversée, c’est ce que Yanwu nous donne à voir dans cette nouvelle série.
La couleur s’y est le plus souvent diluée, comme imbibée de larmes, flottant à la dérive. Mais elle semble parfois se ressaisir face à cette fluidité délétère, se ramasser et se figer, renforcée alors par des couches successives, unifiée par des frottis de térébenthine.
Un double mouvement d’abandon et de sursaut qui transpose un sentiment de dépossession et la volonté d’y résister. On le discernait déjà dans sa précédente série, « Self-portraits part 1 ». Yanwu dénonçait discrètement avec d’exquises images d’elle enfant, lissées par un long et minutieux travail de retouche, la violence de ceux qui, en la photographiant, l’avait comme emprisonnée. Aujourd’hui elle s’affirme avec force en figurant, pour s’en affranchir, des moments de trouble, d’entre-deux, qui ont pu la rendre absente, étrangère à elle-même. Et dans ces autoportraits singuliers et intimes, il n’est pas étonnant que l’aquarelle s’émancipe de la transparence, comme si elle aussi voulait prendre corps.
Eric Vinassac
Tarifs :
entrée libre