SIMON PASIEKA

17ème Rencontres d'Art Contemporain
Exposition
Arts plastiques
Villa Saint-Cyr Cachan

Philippe Ancelin : Expliquez-nous dans votre peinture le rôle du dessin par rapport à la peinture.

 

Simon Pasieka : Pour les dessins à l’encre de Chine et encore plus pour mes tableaux en couleurs, il est essentiel que je visualise bien dans mon imagination la situation jusqu'aux détails.

 

 

Quel est le facteur déclenchant d'une composition?

 

Ma peinture voir le jour dans l'atelier. D'abord j'écris des mots sur les murs afin de cerner les idées que voudrais peindre. 

Puis, je dessine au fusain la composition et les figures. 

Il est indispensable que je ressente l'atmosphère de celle-ci qui se compose de la lumière, de la chaleur ou de l’humidité de l’air, et que je la réinvente entièrement. 

 

Au XVIIe siècle, on pensait qu'un milieu favorable pouvait féconder la vie d’une façon spontanée. Cette idée est pour moi analogue à l’apparition d'une intuition traversant l’esprit sensible, parfois sans préliminaires. 

Ainsi je recompose un événement premier dans mon imaginaire, comme un instant désirable, qui mérite une durée prolongée sur une toile. 

 

Pendant cette phase de création je n'ai pas le sentiment de travailler, il s'agit plutôt d'une façon de jouer, de créer ou de recréer les règles d'un jeu, dont je suis en même temps l'architecte et le contremaître.

 

 

Qu'est-ce qui vous inspire? Le quotidien?

 

Oui, c’est ce flux de la vie. Il s’oppose habituellement à l’existence stable d’une image fixée par les moyens de la peinture sur une surface. Je suis particulièrement attiré par ces détails qui provoquent une entrée en résonance de l’individu avec son environnement. Ces moments surviennent au quotidien, mais ils nous font basculer instantanément hors du train-train de la normalité. 

 

 

Le quotidien est-il un mystère?

 

Il peut l’être. Par ses innombrables interactions, il peut déclencher une prise de conscience d’une envergure si vaste qu’elle dépasse largement notre conscience quotidienne, nécessaire à la survie dans la multitude si inintelligible de notre monde. Etonnamment, les voies les plus mystérieuses sont celles ayant la faculté de trancher la complexité quotidienne par leurs évidences et leurs simplicité.

 

 

Des objets utilitaires deviennent sujets picturaux et vecteurs poétiques...

 

Justement, une couverture de survie par exemple : elle apporte de la brillance dans un tableau. Dans le frémissement de son reflet, elle plonge la scène autour dans une lumière dorée et apporte ainsi une richesse universelle dans ce long instant de la peinture. En entrant dans la logique de l'oeuvre, cette couverture  subit une réévaluation de sa valeur utile vers ce moment de magnificence; devenue légère car dépourvue du poids et du danger de l'or réel. Grâce à ce retournement extrême, cet objet - généralement destiné à garder la chaleur d'une victime en péril - devient un acte cérémoniel en beauté. Elle est cette trouvaille inattendue mettant en cause notre relation aux valeurs. 

 

 

Pourquoi cette importance accordée à la nature ? Et comment la définir ?

 

Pour moi, la nature est tout ce qui n'est pas fabriqué par l'humain, et l'humain lui même en fait partie.

Elle est en majeure partie un secret, malgré tous les efforts souvent dévastateurs et, je dirais, propres à la nature humaine.

 

Voilà le dilemme : nous sommes les enfants prodigues, nés de cette évolution virevoltante, plongés dans notre conscience; source à la fois de ravissement et de terreur. Nous sommes face à la mortalité à peine voilée par le rythme quotidien. 

La séparation de l'homme et de la nature n'est possible que dans l'imaginaire. Mais cette porte va dans les deux sens comme la surface d'un tableau. A l'instar de mon imagination, je me mets en résonance et en accord avec la pléthore, destructrice et créatrice, de la nature-nourrice.

 

 

Vous êtes le peintre des premières fois, parlez-nous de 

l’adolescence comme une métaphore de cet instant ?

 

Mes personnages, je les veux sans âge, ni enfant ni adulte. Ils sont sans histoires, rien que l'instant même de l'image. Leurs expériences sont les miennes et je l'espère, autant que j'en doute, celles du spectateur. Je montre leurs tentatives d'appréhender leurs corps dans le périmètre de leurs jeux. C'est un jeu sérieux, laissant des marques, comme toutes les premières fois laissent une trace.

 

 

Découverte et empreinte en somme...

 

Oui, c'est ça. Mes tableaux racontent une histoire sans début ni fin, mais pleine de promesses, parfois sans espoirs.

Si l'enjeu réussit, ils entrent en écho avec nos découvertes initiales, avec nos premières fois, avec ces fulgurantes de l'esprit, moments reliant l'homme à sa nature, comme un coup de foudre silencieux.

 

 

Paris, juillet 2012

Artistes

Horaires

Tous les jours de 14h30 à 19h

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Villa Saint-Cyr 25 Bd Carnot 92340 Cachan France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022