Trois oeuvres

Exposition
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ESADHaR Le Havre
Eléonore Saintagnan "Trois œuvres", entretien avec Agnès Des Ligneris, étudiante en Master Art à l'ESAH, janvier 2010 Eléonore Saintagnan est une jeune artiste diplômée du Fresnoy. Elle présente trois œuvres vidéographiques et sonores à la galerie de l’ESAH. Pouvez-vous me parler de votre formation ? J’ai fait des études d’arts plastiques à la fac jusqu’au DEA, puis une formation de cinéma documentaire (Lussas), et aussi du théâtre dans des cours privés, et récemment, je suis retournée à l’école pour faire le post-diplôme du Fresnoy. Je suis un peu tiraillée entre le cinéma et l’art contemporain, et l’écriture aussi. Avez-vous un processus de travail commun pour les trois projets que vous présentez ? Pour les Portraits flamands et Le cercle, la démarche est assez similaire puisque je fais venir des personnes qui ne sont pas des acteurs dans un studio, afin de leur tirer le portrait ; il y a à la fois un travail sociologique et une recherche esthétique dans ces deux vidéos, avec la construction du décor et le travail d’éclairage. A chaque fois, les portraits sont silencieux et c’est dans les expressions des visages et des corps qu’on peut lire quelque chose de la vie et des pensées des sujets. Pour la Chute Magyare, pièce plus bavarde, la démarche est différente puisqu’il s’agit d’un texte autobiographique (que s’est réapproprié un journaliste sportif). Mais dans les trois oeuvres, on retrouve un ton un peu grinçant, un certain décalage qui est peut-être le point commun entre mes différentes pièces. Pour les « Portraits flamands », est-ce le fait d’habiter à ce moment-là à Roubaix, dans le nord de la France, qui vous a donné envie de réaliser ce projet ? J’ai toujours travaillé autour du portrait en vidéo, mais c’est en aidant Bruno Dumont à chercher des acteurs pour un de ses films, que m’est venue l’envie de faire des portraits dans le Nord. Pour cette pièce, j’ai filmé mes voisins, les habitants de mon quartier (le quartier Fresnoy-Maquellerie) qui est très populaire, c’est ce qui fait la force de cette pièce. Par la suite, j’ai fait un travail similaire en Belgique, avec des danseurs, à partir de photos des familles royales belge et luxembourgeoise ; l’atmosphère de ces images est tout à fait différente. Entretenez-vous un lien particulier avec la peinture ? Je ne suis pas peintre mais j’ai suivi des cours d’histoire de l’art. Ici, je me suis inspirée des portraits dans la peinture flamande pour les choix des cadres, les fonds et l’éclairage. Mais c’est surtout un souvenir d’enfance lié à la peinture qui m’a inspirée : mes parents et moi étions invités à dîner dans une famille bourgeoise décadente et je suis sortie de table pour aller faire pipi. Mais je devais passer par un couloir du château avec tous les portraits des morts de la famille, alignés, qui avaient l’air de me regarder ; j’ai été prise de panique, je n’ai pas réussi à le traverser jusqu’au bout, j’ai préféré faire demi-tour et rejoindre les vivants. Que leur dites-vous au moment de filmer la scène ? Les protagonistes ont-ils visionné leur portrait ? Quelle a été leur réaction ? Je leur demande d’arrêter de respirer et de cligner des yeux, ce qui est impossible, et je leur fais le compte à rebours des cinq minutes. Presque tous sont venus au vernissage, et les gens qui travaillent au Fresnoy étaient très contents de voir un peu de public local à une de leurs expos, ce qui est rare. Dans l’ensemble, les gens rigolaient beaucoup, c’était très festif. Certains de ceux qui ne figuraient pas dans l’exposition étaient un peu vexés, mais il a fallu faire des choix, on ne pouvait pas mettre 42 écrans. En ce qui concerne « Le cercle », pourquoi ce titre ? Parce que la séquence a été montée comme la scène mythique du western Le bon, la brute et le truand : ce duel à trois, où les protagonistes se toisent avant qu’un d’eux dégaine son arme à toute vitesse. Cette scène se passe dans une sorte d’arène, dans un cimetière dans le désert. Ramenée à quatorze duellistes, la chorégraphie imaginaire ne pouvait que former un cercle. Le titre accentue, dans le cerveau du spectateur, cet effet de montage (car bien entendu, les adolescents étaient filmés un par un dans le studio). Quelles questions posiez-vous aux enfants, quelles instructions leur donniez-vous ? Ont-ils vu le film final ? Quelle a été leur réaction ? Je leur demandais de se présenter, je leur posais les questions classiques d’un casting ; parfois je leur demandais de m’expliquer le texte qu’ils apprenaient dans leur cours de théâtre, ou je les faisais improviser autour d’un thème. Puis je leur demandais, par exemple, s’ils étaient des enfants ou des adultes, et quelle est la différence entre un enfant et un adulte, et parfois je m’en allais et les laissais seuls plusieurs minutes devant la caméra, sans explication. Ils ont vu le film final. C’est toujours fascinant de se voir en vidéo, ils ont été très attentifs à leur image. Pour ce qui est de la « narration », ils ne s’attendaient évidemment pas du tout à cela. Ils ont été très polis et m’ont dit que ça leur plaisait. Dans « La chute magyare », vous avez réalisé une version uniquement sonore et une vision vidéo avec le timecode. Pourquoi deux versions ? Au départ ce devait être une pièce sonore, mais le journaliste, qui travaillait pour la télé, m’a livré une vidéo car c’est le matériel qu’il avait sous la main à ce moment-là. J’ai trouvé que le timecode avait l’air de rivaliser avec le débit de sa voix, comme dans un nouveau sport, alors j’ai gardé cette image. Quelle importance ou rôle accordez-vous au burlesque ? Je pense que l’humour est une des seules choses qui permette de supporter l’absurdité de la vie. Le burlesque est une forme d’humour comme une autre. Quelles sont vos sources d’inspiration dans votre travail ? Qu’est-ce qui le nourrit et vous nourrit (lectures, films, rencontres...) ? Le cinéma, la peinture, la littérature et surtout les attentes et préjugés des commanditaires et du public (que j’essaie de bousculer). Vous utilisez aussi le dessin, la sculpture, l’écriture...Que vous apportent ces différentes pratiques ? Du repos. Le dessin et la sculpture surtout sont pour moi un refuge dans quelque chose qui n’est pas truffé de problèmes techniques comme la vidéo, c’est beaucoup plus jouissif. Et puis les portraits d’artistes que j’écris et que je publie dans le journal Particules me permettent de me tenir au courant de ce que font les autres, de comprendre vraiment leur manière de travailler. Il m’arrive même de copier un peu sur eux parfois. Eléonore Saintagnan termine actuellement le montage d’un court-métrage intitulé «Le Parc» et prépare une exposition à la galerie Elaine Levy à Bruxelles pour laquelle son ami Grégoire Motte et elle peindront avec leurs tripes une grande fresque vénitienne. Vernissage le 22 janvier. www.eleonoresaintagnan.com Exposition à l'ESAH, A l’invitation de Jean-Noël Lafargue, enseignant et commissaire de l’exposition Merci à Eléonore Saintagnan Entretien réalisé par Agnès des Ligneris le 10 janvier 2010 Dans le cadre de la médiation écrite, Corinne Peuchet, Centre de documentation ESAH.

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Dernière mise à jour le 2 mars 2020