Últimos dias

Stéphane Le Mercier
Exposition
Arts plastiques
Le Bon accueil Rennes
… ce à quoi, il faut souvent répondre : «Que faites-vous dans la vie ? Je relève des chutes…» Entretiens avec Christine Anzieu, Vicissitudes, Université de Londres, Janvier 2008. En 2002, mon exposition à la galerie Oberwelt, à Stuttgart, s’intitulait Everything you forget is mine (Tout ce que vous oubliez m’appartient). Cette phrase, depuis lors, s’est imposée ; elle s’est dotée d’une valeur générique à laquelle se réfère systématiquement ma production actuelle. Repenser des expériences passées est une constante dans mon travail, les formes s’enrichissant au fur et à mesure selon une dynamique qui pourrait s’apparenter au tracé d’une boucle ; des formes à priori banales s’avèrent à l’usage - selon le contexte et l’expérience, les conditions culturelles et économiques des formes de production et de monstration des oeuvres - de plus en plus complexes. Que ce soient les aquarelles (Vite) composées d’aplats monochromes et de locutions extraites en partie des médias internationaux, les moulages en plâtre d’emballages collectés dans l’espace public (La Reproduction) ou bien le livre d’artiste GIFT* - texte combinatoire réalisé à partir de ma collection de cartons d’invitation - il s’agit toujours de s’appuyer sur des éléments préexistants. Ce goût pour le réel, ce refus de « se raconter des histoires » désignent une urgence où s’entrecroisent analyse critique et recherche poétique. A l’heure où la marchandise revêt une autre matérialité - produit jetable, téléchargement, médiocrité de la matière première - où la communication a produit une langue appauvrie et répétitive, concret et imaginaire sont détournés vers des centres nouveaux et incertains. A la manière d‘un archéologue, d’un arpenteur urbain, je m’approprie ces « non-choses », reprenant l’expression du philosophe tchèque Vilém Flusser. Réinjectées dans l‘exposition sous forme de collections ou de recueils d’images - moulages en plâtre, diaporamas, films vidéo - elles tentent de tracer une cartographie de « l’après », du spectaculaire dans sa forme ultime. De plus, elles s’inscrivent dans une tradition artistique qui, des readymades de Marcel Duchamp aux affiches décollées des Nouveaux Réalistes (François Dufrêne, Raymond Hains, Jacques de La Villeglé), des installations récentes de Manfred Pernice aux vidéos de Francis Alÿs, interroge le statut de la banalité, de la banalité de la promenade, de l’errance urbaine comme force productive, et ce malgré tout. Cette « apathie productive »**, cette conscience aiguë des matériaux et des situations, de leur potentiel poétique, sont selon moi des stratégies plastiques essentielles, au service toujours renouvelé de la vie et de ses devenirs multiples. Últimos Dias a pour projet de réunir pour la première fois plusieurs de ces ensembles. Ainsi, 1989/1999 rend compte de dix années de collecte photographique et sera exposé sous sa forme vidéographique réalisée en 1999 à la Cité Internationale des Arts. Cette œuvre à la maturation lente s’inspire évidemment des travaux sémiologiques d’Aby Warburg, de la volonté qu’il eut sans cesse de reconstituer sa collection photographique, d’organiser les signes et les motifs en un système complexe. La Reproduction se donne à voir comme une collection de points aveugles, moulages rapides (la forme trouvée servant de moule) puis lentement recouverts de graphite et de mine de plomb. Cette série renverse le processus habituel du moulage : les moules édités à des centaines de milliers d’exemplaires (blisters, emballages en plastique) produisent paradoxalement une forme unique. De plus, le lent recouvrement de ces formes simples à l’aide de graphite et de mine de plomb leur octroie un statut ambigu, à la fois banal et précieux. Les Monoblocs sont du mobilier réalisé, découpé dans les cimaises inutilisées de centres d’art (ici, en l’occurrence celles du Frac Paca). Ce sont des modules pratiques, rapidement réalisés, susceptibles d’accueillir d’autres travaux ou de servir de points de vue (tabourets, bancs, pupitres) donnant sur l’exposition même, la redessinant en somme, la travaillant toujours comme un matériau vivant. La constante référence au paysage moderne, l’économie des moyens utilisés, l’attirance pour des objets figés dans leur évolution formelle, leur perception physique brouillée (accumulation, couleur noire et brillante, vidéo accélérée) désignent ce « bas réalisme » analysé par Yve-Alain Bois*** et qui est toujours, à mes yeux, synonyme d’humilité et d’aventure. Le goût pour les lieux de passage, les non-espaces**** échus dans l’imaginaire contemporain à des activités plus ou moins licites, pour ces organisations humaines, architecturales à la périphérie des centres urbains tentent d’inscrire durablement ces formes en négatif et de les opposer aux signes rationnels et marchands. Loin d’une revendication postromantique ou d’un goût idéalisé pour les friches et les marges, il s’agit d’aborder ces « blocs » concrets comme autant de laboratoires du sensible. S’attacher à des objets, à des lieux oubliés, c’est encore s’attacher à la question du réel. Stéphane Le Mercier, le 15 février 2009. * Edtions P, Marseille ** le critique Bernard Lamarche Vadel au sujet de Villeglé dans le catalogue Qu’est-ce que l’art français ?, éditions La Différence *** au sujet de l’oeuvre de Gordon Matta-Clark dans le catalogue du Centre Georges Pompidou, L’informe, mode d’emploi. **** Marc Augé, Non-Lieux, éditions Le Seuil.

Partenaires

La Presse Purée, atelier de sérigraphie, Rennes.

Horaires

Du Mardi au samedi de 14h00 à 19h00, et le dimanche de 15h00 à 19h00.

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Le Bon accueil 123 boulevard de Verdun 35000 Rennes France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022