Vincent Ganivet | Moucharabieh
Vincent Ganivet, Moucharabieh, photo : Richard Porteau
Lorsque les frères Réthoré ont tenté de transformer le château de La Mercerie en «Petit Versailles charentais», on peut se demander s’ils n’escomptaient pas réaliser là un tour de magie. Car en effet, après de nombreuses années de chantier, force leur a été de constater qu’ils n’avaient pas les moyens de cette petite folie d’architecture de type renaissant. Abandonné dans les années 1970, il reste de ce projet une gigantesque façade de 220 mètres de piliers et d’arcatures qui traverse le paysage. Alors quand la commune de Magnac-Lavalette-Villars a fait part au FRAC Poitou-Charentes de son ambition d’inscrire de l’art contemporain dans son programme, l’idée est venue de faire appel à un artiste bâtisseur dont la virtuosité se confond parfois, elle aussi, avec de la prestidigitation.
Vincent Ganivet (né en 1976 - vit à L’île Saint-Denis) s’est distingué ces dernières années par des sculptures de parpaings, qui par des jeux de tension, forment des arches en tout genres. Chenilles, roues, croisées d’ogives et autres, quelles que soient les formes déclinées, la virtuosité des équilibres précaires est toujours de mise. Son matériau de prédilection, le bloc de béton, lui offre l’opportunité d’une matière première peu onéreuse et à la manipulation aisée. Normalement conçu pour monter des murs droits et être masqué, l’artiste le détourne à partir de savoir-faire inspirés de l’architecture, de l’ingénierie et des mathématiques (il use, pour calculer ses courbes, de la figure de la chaînette). Cependant, n’étant pas un expert de ces domaines, c’est avant tout l’empirisme du jeu de l’expérimentation qui dicte l’évolution des formes. «Ce qui m’intéresse c’est la mise-en-œuvre. J’aime détourner les objets quotidiens de leur fonction initiale, les mettre de travers. Émerveiller, mais avec souci d’accessibilité, d’efficacité.»* Majestueuses et tutoyant le gigantisme, les courbes et torsions des sculptures semblent en même temps extrêmement fragiles. Face à elles, l’apparent risque d’effondrement nous nargue en permanence.
Pour le château de La Mercerie, Vincent Ganivet a conçu le projet de graciles arcades de parpaings qui viennent briser le rythme des baies de la façade qui, inachevée, paraît elle aussi précaire. Deux générations de projets virtuoses se trouvent ici réunis au travers d’un ensemble aussi spectaculaire que dérisoire.